La voie onfray Front Populaire

Michel Onfray et le christianisme

On ne le présente plus Michel Onfray est un philosophe libertaire, auteur d’un nombre conséquent d’ouvrages sur des sujets assez divers qui touchent, à la fois, la philosophie et l’actualité. Par le passé, il a critiqué énormément  le christianisme en le rendant responsable de grandes violences et en insistant, particulièrement, pour en faire le promoteur de fait d’un certain antisémitisme. L’opération visait à démontrer qu’on peut faire une lecture des évangiles tout à fait à contre-courant des valeurs chrétiennes qu’on entend plus habituellement mise en exergue. Pour Onfray, le monde occidental est aussi finissant, à bout de souffle et, finalement, la religion chrétienne a fait son temps. Si un quelconque « salut » devait venir, il ne viendrait donc pas de là. En fait de salut, Onfray pencherait plutôt en faveur de la destruction presque inéluctable de la civilisation occidentale chrétienne.

« Ne plus tirer sur l’ambulance »

Même si ses analyses commencent un peu à dater, d’un point de vue chrétien, on eut préféré qu’Onfray soit un peu plus mesuré sur cet affreux bilan qu’il fait du christianisme. Avec le temps, on aurait même espéré qu’il revienne de sa « croisade libertaire », en reconnaissant, au moins, certaines valeurs d’humanisme, de fraternité et d’universalisme que les évangiles ont injecté dans l’histoire de l’humanité. En déclarant la religion chrétienne quelque part déjà morte, Onfray occulte aussi, un peu vite, les forces vives qui la soutiennent dans le monde. Comme dit le proverbe africain “bois mort dans l’eau ne devient pas crocodile”, on ne peut pas, de libertaire, nietzschéen et jouisseur devenir un brin sympathisant avec le christianisme,  même quand on sait à quelque point ce dernier a pétri notre civilisation et sa pensée. Alors, depuis quelque temps déjà, Onfray a campé sur ses positions. S’il n’a rien retranché de ses mots, il dit tout de même ne plus juger nécessaire de faire du christianisme un sujet prioritaire. Il considère, en effet, que suffisamment de forces sont là pour le mettre à mal et dit ne pas vouloir en rajouter dans ce sens. En quelque sorte, un peu de compassion pour une victime déjà à terre.

Une gauche souverainiste ?

Dans le paysage politique actuel, tournant le dos à une certaine gauche caviar dont il a fini par comprendre (tardivement) qu’elle ne faisait pas le jeu du peuple mais jouait plutôt à contre courant, Onfray et ses associés ont décidé de fédérer un certain nombre d’intellectuels “souverainistes“ autour d’une nouvelle revue du nom de Front Populaire. Plutôt ouvert à toutes les bonnes volontés, l’initiative a fait grincer les dents de cette gauche « bien pensante ». Cette dernière a d’ailleurs tôt fait de « fasciser » Onfray, en traitant sa revue de noms d’oiseaux. Disons-le, connaissant bien ce genre de procédés orduriers et la médiocrité intellectuelle de ceux qui les emploient, on trouverait cela plutôt engageant que l’inverse. D’ailleurs, nous ne fûmes pas les seuls. Au grand dam de tous ses détracteurs avant l’heure, la revue a reçu de nombreux échos favorables et elle a su toucher son public. Les qualités de vues de ses auteurs autant que l’éclectisme de Front Populaire demeurent rafraîchissants. Dans ce paysage intellectuel étiolé qu’est devenue la France et face à la nécessité de repenser urgemment les lignes de démarcation politiques, l’effort éditorial doit être salué.

Un flou des objectifs

Au delà de la revue et d’un point de vue plus prosaïque, les objectifs de ce qui, se positionne déjà comme un « mouvement » sur l’échiquier politique ne sont pas très clairs, sans doute, principalement, du fait d’une ouverture à tous les possibles qui caractérise les souffles nouveaux. Cette fraîcheur est touchante, on y sent la jeunesse conquérante d’un nouveau mouvement, mais l’exercice du terrain pourrait bien s’avérer impitoyable.

Ainsi, « on se réservera le droit (ou pas) de soutenir, voire de présenter, un candidat pour 2022 ». La presse se frotte les mains et, les yeux pétillants, les journalistes de la médiocratie viennent tancer l’écrivain au jeu ridicule et enfantin du « pourquoi pas vous ? » Politique spectacle… L’élection présidentielle s’américanise sous nos yeux : « Approchez approchez, qui sera le prochain ? Un acteur, un jet-setteur ou un raton laveur ? » Au passage, l’échéance est déjà là, alors de quoi s’agirait-il ? L’urgence de la situation peut elle encore souffrir une énième candidature de complaisance et de principe ? De qui cela ferait-il le jeu électoraliste ? Dans le même registre, on parlait dans une autre vidéo du cru Front Populaire, de « pourquoi pas créer une banque ou une assurance ? » (j’avoue ne plus me souvenir laquelle des deux)… Dilution en vue ?

Philosophie et électoralisme

Dans le même temps et c’est louable, on veut, chez Front Populaire, fédérer tous les intellectuels de bonne foi sur les questions brûlantes (économiques, politiques, éthiques) soulevées par le contexte : le souverainisme, le transhumanisme, le mondialisme, etc…  Le mouvement joue donc à la fois, la carte du fond qui consisterait à repenser une certaine gauche (un certain « conservatisme » « souverainisme » de gauche ?), mais il ne cache pas non plus sa volonté de jouer aussi une carte participative sur l’échiquier du court terme. Alors, Front populaire va-t-il rester le berceau d’une réflexion salutaire sur les valeurs à mettre au centre de la politique française ? Deviendra-t-il une sorte d’hybride, une espèce de think tank qui veut être partout à la fois, en recul et sur le champ de bataille, et tire dans tous les sens ? Pêché de jeunesse, tâtonnements ? Les deux objectifs sont-ils véritablement compatibles ? Cette contradiction ne pourrait-elle pas faire exploser le vaisseau en plein vol ?

Face à une échéance 2022 déjà scénarisée de manière odieusement caricaturale par le système politico-médiatique, ce positionnement sur deux temporalités révélera sans doute assez vite sa pertinence : habile exercice ou simplement ligne droite vers l’effet peau de banane. Quant à la place qui pourrait être réservée dans tout cela à une remise en perspective des valeurs chrétiennes, connaissant Michel Onfray, ses alliances actuelles et ses attachements philosophiques on se doute qu’elle ne sera pas au centre du débat.

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